II. 3.
Raisons d’aimer dans tous les sens du terme
3.1 Montaigne ou l’amitié véritable
au-dessus de toutes les autres modalités d’aimer
Dans son essai sur L’amitié, Montaigne discerne quatre espèces d’amitié pour montrer que l’amitié parfaite et véritable qu’il a pu vivre avec La Boétie leur en tout point supérieure. L’amitié naturelle au sein de la famille a pour contrepartie d’être contrainte et contraignante, par contraste avec le caractère volontaire et tolérant de l’amitié véritable. L’amitié dite vénérienne que constitue l’affection envers les femmes est un amour brûlant, éphémère et maladif, qui contraste avec l’amitié douce, d’ordre spirituel, d’un lien intense et durable qui est bien au-dessus des amours volages. L’amitié sociale que Kant appelle pragmatique dans le §47 de la Doctrine de la vertu est intéressée et donc impure au regard de l’amitié pure et désintéressée que célèbre Montaigne. Mais la rareté même de cette amitié unique en son genre n’enlève aucunement leur légitimité relative aux amitiés communes ou encore à l’amitié hospitalière qu’il évoque sans préciser. Pourquoi les intérêts intriqués dans le mariage devraient-ils exclure toute amitié véritable ? Ne faut-il pas avec Montaigne concéder à l’Académie qu’un amour sensuel peut se terminer en amitié ?