societas

du sens social

Les sens de la société ne se rassemblent pas en une même essence. Une théorie critique de la société ne peut que reconnaître l’abîme béant entre les dispositifs de soumission antisociale, qui organisent les sociétés inégalitaires à l’heure actuelle, et la logique sociale du don contre don, qui structure de manière immémoriale les sociétés humaines. Cette pratique d’échange équitable de prestations en tout genre, qui présuppose le sens social de part et d’autre, constitue l’essence même de la société et la quintessence du lien social. C’est la norme, forcément critique, à l’aune de laquelle les sociétés actuelles sont jugées, et critiquées en tant que systèmes de soumission antisociale impliquant la triple dimension polémique de la domination sur le plan politique, de l’exploitation au niveau économique et de l’aliénation dans la sphère culturelle.

Le projet d’élaborer une théorie critique des systèmes de soumission antisociale, devenus hégémoniques dans le monde entier, implique ainsi d’interroger des sociétés qui, à présent, sont confrontées au processus polémique de globalisation néolibérale du système capitaliste et productiviste. Or ce processus actuel de destruction des liens sociaux ne se produit pas uniquement au niveau de la société humaine, il se produit également au niveau des relations entre les sociétés humaines et le milieu de vie qui en est la condition de possibilité naturelle. C’est que les groupes humains sont naturellement associés, au sein du complexe de vie, aux autres êtres, animés et inanimés, à travers des interactions dont l’économie générale peut être sociale ou antisociale, selon que le groupe humain reconnaît ou non la communauté de destin sur Terre entre minéraux, végétaux et animaux. La théorie critique de la société actuelle comme système (anti)social de soumission présuppose, donc, d’adopter plusieurs angles d’analyse, à savoir :

1) le niveau fondamental de l’inscription écologique de la société humaine au sein de la nature (cf. phusis),
2) le plan de sa constitution intrinsèque comme système (anti)social,
et 3) le niveau des relations entre sociétés (cf. polis vs pólemos).

Le second niveau, dont il est question ici, prend la forme d’une réflexion sur les sens antinomiques de la société. Cette antinomie sur les sens opposés de la société ressort de l’analyse critique de la société actuelle, conçue comme système (anti)social dans un double sens:

1. le système s’efforce de mettre entre parenthèses sa structure antisociale, de façon à conserver l’apparence d’être social ; mais, même structurée de manière antisociale,
2. la société ne pourrait subsister sans un fond social qui en constitue l’essence.

Toute critique impliquant un critère, la théorie critique de la société divisée ne peut élucider l’organisation du système (anti)social de soumission antisociale qu’en donnant au terme social un sens normatif qui fonde la discrimination entre ces deux types de société. L’antinomie sur les sens de la société repose sur l’opposition de principe entre le sens social de la société égalitaire et le sens antisocial de la société inégalitaire.

La norme critique, qui définit l’essence du lien social, implique une conception normative de la société qu’il convient d’exposer, au préalable, en revenant sur la perturbation originaire de la société humaine (p. 2), de façon à comprendre la signification sociale de l’institution culturelle de normes au sein d’une société (p. 3). C’est la condition pour comprendre l’irruption du système antisocial au cours de l’histoire (p. 4), événement proto-historique qui a provoqué la constitution du système (anti)social de soumission antisociale (p. 5). La critique du sens antisocial des sociétés inégalitaires présuppose la reconnaissance du sens social des sociétés égalitaires (p. 6). Car, paradoxalement, cette plongée dans l’expérience immémoriale des sociétés sauvages ouvre au sens politique du projet d’émancipation sociale de la soumission (p. 7). Ce qui correspond aux différents moments de cette page :

      1. de la perturbation à l’origine de la société humaine (p. 2) ;
      2. de l’institution culturelle des normes sociales (p. 3) ;
      3. de l’irruption du système antisocial (p. 4) ;
      4. de la constitution du système (anti)social de soumission (p. 5) ;
      5. du sens social des sociétés sauvages (p. 6) ;
      6. du sens politique de l’émancipation sociale (p. 7).