La page de ce site qui est consacrée à La politique contre la guerre peut introduire à la lecture de l'ouvrage. Le présent article propose un extrait de la préface, après avoir éclairé le processus de création de la couverture par la généreuse Pénélope!
Couverture
Tout comme le logo du site, la couverture du livre est une gracieuse création de Peneski. Je lui avait fait part de ma propre vision : pour figurer la politique il y aurait, près de la Terre, enracinée dans le monde, un cercle de discussion qui pourrait être constitué d’Amérindiens fumant le calumet de la paix ; pour symboliser la guerre qui intervient de l’extérieur pour détruire la politique, un drone ou une horde de guerriers surgirait du ciel en colère, comme un éclair de tonnerre, pour fondre violemment sur cette réunion politique. Sans être changé par ailleurs, le titre de l’ouvrage a été modifié sur la couverture pour l’adapter à l’image : en haut, le déferlement violent de la cavalerie en rouge sang et feu aux ordres d’un chef de guerre noircissant l’atmosphère ; en bas, la sphère de la parole remplie d’innombrables bouches ouvertes que l’agression de la guerre essaie de fermer à tout jamais. Sur son site, Pénélope éclaire la signification de sa création en donnant une généreuse interprétation à l’affrontement entre guerre et politique…
Je remercie la graphiste de bookelis qui a mis en page la couverture et la 4e de couverture d'avoir judicieusement coloré en rouge le point d'interrogation du titre ! L'introduction du livre dont je propose ici un extrait peut être téléchargée en intégralité au sein du réseau de distribution Hachette qui en assure la diffusion.
Ouverture à la lecture
Cet essai dédicacé à Miguel Abensour contredit l’assimilation de la politique à une forme de guerre larvée qui se déchaînerait à toute occasion au cours de virulentes polémiques sur à peu près tous les sujets de société. Le titre de l’ouvrage indique l’axe du questionnement : la politique est-elle le contraire de la guerre ou n’est-elle qu’un autre nom de la guerre ?
On entend sans cesse dire de la politique qu’elle consiste en luttes, en combats et même en guerres, comme si ces termes avaient le même sens. Il n’y a rien de surprenant à ce que l’espace politique ressemble à un champ de bataille où les polémiques font rage, dévastant le paysage public. Tout en raffolant du mot guerre, les polémistes font mine de s’étonner que des menaces de mort prolifèrent désormais sur les réseaux sociaux un peu partout dans le monde. La menace de mort ferait le lien entre polémique et pólemos. Comme la déclaration de guerre à un groupe programme l’affrontement armé, l’appel à tuer une personne prône le passage à l’acte violent. Ces proclamations bellicistes ne sont pas plus des paroles en l’air que les formules belliqueuses auxquelles elles donnent lieu.
Les incessantes polémiques jettent de l’huile sur le feu des conflits économiques, sociaux et culturels, en les considérant comme de véritables guerres dont les protagonistes seraient en train de se livrer une lutte à mort : partenaires et adversaires politiques sont transmués en ennemis par les polémistes de tout bord qui attisent les animosités pour creuser des tranchées entre groupes et propager la haine au sein des camps retranchés. Le motif de la guerre civile, nationale ou mondiale, vise à mobiliser des troupes afin de constituer une armée de réserve prête à se mettre en ordre de bataille pour s’imposer par la force contre le prétendu ennemi. Prophétie auto-réalisatrice, cette appellation même est en vérité un appel à la guerre civile. Plus généralement, l’usage métaphorique du mot guerre participe d’une guerre des mots qui vise à produire effectivement la guerre entre troupes, et contre toute transaction politique entre groupes. Loin d’être purement métaphorique, l’emprunt de la rhétorique guerrière reviendrait de facto à faire la guerre à la politique en rendant impossible tout débat politique au sens fort du terme. Qu’y a-t-il encore de politique dans une stratégie rhétorique qui use et abuse polémiquement du vocabulaire militaire pour qualifier les luttes et les conflits ? Ne faut-il pas admettre et défendre une autre idée de la politique qui la dissocierait par principe de la guerre et même de toute polémique ? L’activité politique ne consiste-t-elle pas à s’associer pour décider en commun sans jamais imposer de point de vue par la violence ?
& disponible au Quai des Brumes à Strasbourg