altérité est l’autre nom de la perturbation…
nom positif de la perturbation, ce titre abstrait d’altérité dénomme en fait des phénomènes très concrets de différenciation de l’Un, imaginaire, et du même, bien réel, et ce à plusieurs niveaux à même la complexification des formes d’être au cours du temps :
animé vs inanimé (insensible);
animés différenciés par la multiplication des formes et espèces d’êtres vivants, autant que dissociés en individus différents les uns des autres;
animés divisés par l’apparition de l’altérité sexuée, etc.
le concept d’altérité inhérent au principe de perturbation est indissociable d’une théorie critique de l’identité, née du Tournant identitaire à seule fin de le perturber…
Du point de vue d’une théorie critique de l’identité, le problème n’est pas tant du côté de la différence que du côté de l’identité, qui est postulée sur la base de la confusion entre l’identique et le semblable. L’assimilation du même et du semblable à l’identique se produit du fait du glissement de ὁμός à αὐτός. Le grec homós, qui signifie : pareil ou similaire, le même pour tous, a pour équivalent le latin similis et l’allemand gleich qui est apparenté à vergleichbar (comparable) : ce qui est semblable sous un certain rapport est en effet comparable (vergleichbar). Par contraste, le grec autós, qui signifie : même, par opposition à autre, ou soi-même, a pour équivalent le latin ipse et l’allemand selbst ou dasselbe qui, identique en son genre, serait en revanche incomparable (unvergleichbar). En ce sens, l’identique serait l’un au sens de l’unique de Stirner (der Einzige) que Fr. Héritier oppose au multiple [dans Masculin/Féminin I (1996), 2012, p. 58], sans qu’on ne voie si l’homme seul serait unique en son genre (der Einzige), alors que les femmes seraient multiples (!?) pour leur part…
Il conviendrait au contraire de suivre l’enseignement matinal d’Empédocle
αὐτὰ ἔστιν ταῦτα, δι' ἀλλήλων δὲ θέοντα γίγνεται ἄλλοτε ἄλλα καὶ ἠνεκὲς αἰὲν ὁμοῖα. [fr. B XVII Diels] ils restent les mêmes, mais circulant au travers les uns des autres | ils deviennent perpétuellement autres tout en restant toujours semblables. |
altérité est l’autre nom de la perturbation critique… de ce qui se croit identité à soi-même, à la faveur de la confusion entre idem et ipse, sans percevoir la différence entre l’identité – fantasmée comme l’objet a du désir – et l’ensemble des identifications, conscientes et inconscientes, qui nourrissent le parcours mouvementé du même comme alter ego en quête de soi-même (ipse)
Marcel (Proust) en quête d'identité dans la Recherche du temps perdu?
il faudrait traquer cette confusion entre idem et ipse partout où elle s’insère et perturber l’identité déclarée en laissant l’altérité la travailler au corps de ses contradictions, de façon à favoriser l’interaction du même et de l’autre à même une dialectique ouverte au conflit sous toutes ses formes (agonistique, antagonisme, etc.)
indifférenciée et absolutisée à la manière de Lévinas dans Totalité et Infini (1971) sous la figure de l’Autre – hypostasié(e) par la majuscule tout comme le Même à l’identité postulée -, l’altérité devient inaccessible, métaphysique, alors que…
la dialectique du même et de l’autre – qui n’est pas une antithétique – implique des passages alternés de l’un à l’autre, un incessant travail d’identification et des effets d’altération dans un sens comme dans l’autre, tout un ensemble d’opérations de comparaisons, critiques, en vue d’une différenciation, elle-même critique, présupposant un recul tenant à distance les analogies conçues comme de simples tremplins à la réflexion:
exemplaire à cet égard, l’expérience éthologique de l’altérité animale indiquerait la voie critique qui permettrait de sortir du cercle anthropocentrique en assumant une forme d’anthropomorphisme qui n’identifie l’altérité du comportement animal à partir de projections humainement compréhensibles sans pour autant l’enfermer de manière réductrice dans un schéma humain, trop humain, pour pouvoir même évoquer l’énigmatique altérité d’une vie animale