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diagnostic de la crise écologique

La crise écologique, comme symptôme patent du rapport polémique du genre humain à son milieu naturel de vie, n’est entrée dans la phase critique d’un péril mortel pour la vie qu’à partir de la révolution thermo-industrielle. Cette crise globale est la conséquence du développement et de l’intensification de la tendance productiviste du système capitaliste que le processus de globalisation planétaire, actuellement en cours, a tragiquement aggravés. L’antinomie sur les sens de la culture implique ainsi une antinomie sur les sens de l’économie du rapport à la nature que cultivent les sociétés humaines :

soit administrer un domaine limité avec parcimonie en pensant au renouvellement du patrimoine naturel à transmettre aux générations à venir ;
soit faire fructifier l’investissement de capital au point de surexploiter de manière destructrice les ressources naturelles.

Tous les aspects du rapport polémique à l’altérité étant en corrélation, l’élucidation de cette antinomie dédoublée présuppose une réflexion sur les sens de la société, qui rende justice à une perturbation de magnitude incommensurable : l’établissement de la division sociale, qui scinde les sociétés humaines en deux genres incompatibles et contradictoires (cf. societas). Cela signifie qu’il faut reconnaître la nécessité d’une création social-historique de formes de vie sociale et politique, qui soient susceptibles de bouleverser les rapports actuellement dominants, et ce à un double niveau : le rapport à l’altérité, naturelle et/ou culturelle, étant indissociablement économique et écologique.

Contraire au principe même de l’économie, le processus, actuellement en cours, de surexploitation sans parcimonie des ressources s’attaque de manière destructrice au processus naturel de renouvellement du milieu de vie, au niveau global de l’écosphère comme au niveau des écosystèmes locaux. Mais cet aspect proprement écologique des interactions naturelles affecte tout autant une multitude de liens, au sein du complexe de vie, entre êtres animés et inanimés, entre minéraux, végétaux et animaux. C’est dire que le processus actuel de destruction du lien social se produit simultanément à deux niveaux. L’exploitation, indissociablement anti-écologique et anti-économique, du milieu naturel équivaut à une perturbation destructrice du lien social, sur deux plans à la fois : le plan, dit écologique, du milieu de vie est durablement bouleversé par les conséquences désastreuses d’une prédation, souvent irréversible, qui s’exerce aux dépens des autres vivants, humains ou non-humains, avec pour effet d’affecter durablement la communauté de vie entre les vivants ; sur le plan, dit économique, de l’exploitation simultanée des “ressources” naturelles et humaines, la prédation exercée sur les conditions naturelles de vie au sein de la nature provoque une compétition humaine pour user ou abuser des “richesses” naturelles (eau, minéraux, etc.), avec pour conséquence d’entamer le lien social, entre les individus au sein même des groupes humains et entre les différents groupes en compétition.

Le processus d’exploitation anti-écologique et anti-économique des prétendues “ressources” détruisant la nature comme milieu de vie de la communauté des vivants tout autant que le lien social entre les vivants, humains ou non-humains, le combat pour sauver la planète s’avère indissociable des luttes proprement sociales. Un mouvement d’émancipation ne peut que s’opposer à ce double niveau au processus, entretemps globalitaire, d’exploitation polémique des « ressources » humaines et non-humaines. L’objectif du diagnostic de la situation actuelle est de déterminer si l’époque est effectivement en gestation d’un tel mouvement de résistance au processus de destruction du milieu naturel et du lien social.