Altérité animale

séquence conclusive

  1. la liberté risquée de l’animal : Hans Jonas (contra Heidegger)
  2. l’animot contre l’Animal : Jacques Derrida (contra Descartes, Kant, Heidegger, Lévinas et Lacan)
  3. le devenir-animal : Deleuze

Gilles Deleuze, Dialogues avec Claire Parnet (1996)

Selon Deleuze, le devenir-animal est fait de micro-perceptions presque imperceptibles. Car la “multiplicité qui nous habite au-dedans” (p.293) équivaut à “tout un monde de micro-perceptions qui nous mènent à l’imperceptible” en nous. On pourrait dire également que ça se passe entre nous ou encore que ça entre en nous. C’est que les flux autres (l’air, le son, le chien que j’ai vu, etc.) se conjuguent avec les flux miens : “le procès de devenir-animal ne veut rien dire que ce qu’il devient, et me fait devenir avec lui”; comme les animaux, nous sommes, homme ou femme, des flux qui se conjuguent et débordent ou bien tarissent et se séparent; il n’y a que des flux et, sur ces lignes de fuite qui sont des agencements de désir, il ne peut y avoir qu’une seule chose, l’expérimentation-vie et l’exploration qui débordent nos capacités de prévoir, car on ne sait jamais d’avance ce qu’il advient d’une expérimentation vivante (p.59-60).  Mais, à titre d’hypothèse, il y aurait une différence spécifique de l’être humain qu’il conviendrait de signaler : “l’homme, animal déterritorialisé” est un nomade qui, tout autant, se re-territorialise quelque part, sur Terre (p.162-163), au cours d’une fuite qui est “une espèce de délire”, dans la mesure où délirer, c’est sortir du sillon : “ces paquets de sensations à vif filent sur des lignes de chance, ou de malchance, là où se font leurs rencontres” (p.51). L’homme serait ainsi un animal qui se dé-territorialise pour s’établir et se re-territorialiser à un endroit sur terre, en fonction de ses rencontres et des sensations éprouvées au contact des autres flux… Cela signifie-t-il pour autant que l’animal, pour sa part, ne pourrait pas sortir du sillon et délirer, condamné qu’il serait à rester au même endroit du fait qu’il ne pourrait pas se dé-territorialiser?

Rien n’est moins sûr, même si ce motif d’un enfermement de l’animal dans son cercle pulsionnel pourrait être soutenu à partir de Heidegger. Fondé sur une histoire vraie, le film intitulé L’Odyssée du loup retrace le parcours et les péripéties de la migration d’un loup qui, parti des Carpates, parcourt l’Europe, traversant les Balkans et l’Autriche avant de rencontrer une louve en Italie: cherchant un lieu où s’établir, le mâle et la femelle traversent le Sud de la France avant de se rendre en Espagne, où ils s’installent pour y faire des petits. Interprétée à partir des analyses d’Uexküll, cette histoire donne l’impression que l’animal se crée son propre territoire et sa demeure, qu’il défendra ensuite contre les intrus. Une sorte de re-territorialisation ponctuerait donc la dé-territorialisation de l’animal, non-humain ou humain…