Kant ou la violence injustifiable !

Kant
La violence injustifiable (III) :
Le droit contre l’injuste violence

Selon Kant, Kant, la violence est littéralement injustifiable. C’est un fait qui ne peut être justifié en droit (ius), même si la violence est le moyen factuel d’instituer effectivement un système juridique de protection publique des personnes, de leur liberté extérieure et de leurs propriétés. Tout comme Jean Bodin dans la République (1583), Kant explique en effet, dans la Paix perpétuelle (1795), que le pouvoir d’État est de facto institué par la violence (durch Gewalt). Mais la violence comme coup de force à l’origine de la fondation empirique du droit établi n’en est pas le fondement en droit dans les principes rationnels du droit naturel. Kant reconnaît donc le rôle de la violence dans l’histoire sans justifier d’en faire usage en raison de l’opposition de principe entre violence et droit. Le rôle historique de la violence ne permet pas de lui accorder un blanc-seing comme moyen politique d’instituer le droit public que l’État aurait pour mission de garantir à nouveau par la violence. Car cela reviendrait contre Rousseau à confondre fait et droit.

1.
La puissance
du pouvoir d’État
contre la violence criminelle

D’un point de vue sociologique, Max Weber pourra soutenir en 1919 que la violence (Gewaltsamkeit) est le moyen décisif pour la politique et le moyen spécifique de l’État moderne qui s’est arrogé avec succès « le monopole de la violence physique légitime ». Dans le contexte révolutionnaire de l’hiver 1918-1919 qui fait suite à la Grande guerre, manifestation sanglante de la politique de puissance (Machtpolitik) d’États aspirant à satisfaire leurs intérêts impérialistes dans les colonies en s’imposant par la force violente des armes (pro vi et violentia), il s’avère plus que jamais impossible de penser la politique, et le pouvoir (Gewalt) d’ordre politique sans la puissance (Macht) et la violence (Gewaltsamkeit) qui conditionne l’exercice de la domination (Herrschaft) des uns sur les autres.

Ce ne peut être la position politique de Kant qui, du point de vue moral du droit rationnel, distingue fait et droit avec Rousseau sans pouvoir recourir, en allemand, à la distinction latine entre force (vis) et violence (violentia) que peuvent reprendre, en anglais, le Traité du gouvernement civil de Locke en 1690 ou, en français, le Contrat social du citoyen de Genève en 1762 : la force publique de la communauté contraint à renoncer à la violence pour respecter le droit public. C’est que l’allemand Gewalt a le double sens de pouvoir d’État et de violence, même s’il existe un second terme pour désigner spécifiquement la violence : Gewaltsamkeit. Suivant l’usage en allemand, Kant dénomme le pouvoir d’État (Staatsgewalt) et les trois pouvoirs (Gewalten) qui le constituent en usant du terme Gewalt dans le seul et unique sens de pouvoir (potestas) : à l’intérieur de l’État, le pouvoir n’use pas de violence (Gewaltsamkeit) pour s’imposer et imposer le respect des lois publiques ; pour Kant, c’est par la puissance (Macht) de la contrainte (Zwang) que le pouvoir d’État garantit au droit en vigueur d’avoir effectivement force de loi (rechtskräftig) contre la violence en acte (Gewalttätigkeit) qui viole les principes du droit naturel[1]. L’acte violent (Gewalttat) devient en effet une activité criminelle sous les conditions de l’état civil qui proscrit l’usage de la violence pour imposer son droit contre le droit des autres.

Ayant souverainement les pleins pouvoirs (Machtvollkommenheit) pour s’opposer à la violence criminelle en se fondant sur une législation publique pourvue d’une puissance (Macht) suffisante[2], l’État assume le monopole non pas de la violence (Gewaltsamkeit), mais bien et uniquement du pouvoir (Gewalt) comme puissance publique. Néanmoins, Kant ne fait que suggérer que le pouvoir d’État (Staatsgewalt) soit puissance (Macht) plutôt que violence (Gewaltsamkeit). Suivant l’usage de son époque et les définitions du Contrat social [livre I, chap. vi], Kant ne désigne en général l’État comme puissance que dans le contexte du droit international (ius gentium)[3] : l’objectif politique de ce droit interétatique est d’harmoniser le concert des puissances en les soumettant à une loi contraignante au lieu de compter sur la donnée factuelle et fragile de l’équilibre des puissances en Europe pour assurer une paix durable[4]. La contrainte est donc un autre nom pour la force ou la puissance publique qu’il s’agit de démarquer, conceptuellement, de la violence des crimes et des guerres, sans parler de celle des rébellions.

S’attachant à penser en droit le pouvoir sans violence comme contrainte exercée par la puissance publique, Kant entend conjurer le double sens du terme Gewalt en en réservant l’usage pour désigner l’exercice institutionnel du pouvoir (oberste Gewalt, ausübende Gewalt, drei Gewalten, etc.) et en travaillant à qualifier le détenteur du pouvoir (machthabend) sur un peuple (Gewalt über ein Volk) par des termes qui renvoient moins à l’oppression violente des sujets qu’à la soumission raisonnable des citoyens à l’autorité régnante (Obrigkeit, herrschende Autorität) : celle d’un chef (Oberhaupt, Herrscher) exerçant une domination (Oberherrschaft) légitime, tant du moins que le commandement ne contredit pas la loi morale[5]. Chacun est tenu moralement de désobéir en ce cas à l’ordre, sans avoir pour autant le droit de résister à la tyrannie par la violence. Car Kant fonde en droit l’interdiction catégorique d’user de violence pour combattre l’autorité souveraine, même tyrannique. Il y a là un paradoxe à élucider ! De facto, le droit public serait empiriquement institué par la violence, mais il serait en droit interdit de mettre un terme, par ce même moyen de la violence d’une révolte (Aufwiegelung), à la violence du détenteur du pouvoir d’État qui abuse tyranniquement de sa puissance (Macht) suprême pour violer le droit sacré de l’humanité. Kant avait énoncé, bien avant la Révolution française, l’interdiction morale d’user de violence pour en finir avec la violence d’État qu’il rend publique en 1793 :

« toute révolte contre la puissance [Macht] législatrice suprême, toute sédition pour manifester en acte l’insatisfaction des sujets, tout soulèvement qui donne lieu à rébellion est, en république, le crime le plus grave et le plus répréhensible ; parce qu’il en détruit se fondations. Aussi cet interdit est inconditionné de sorte que, même si cette puissance ou son agent, le chef d’État, a violé le contrat originaire et a par-là même perdu le droit d’être législateur, selon la conception qu’en a le sujet, pour autant aucune résistance comme contre-violence [Gegengewalt] n’est permise au sujet, dans la mesure où elle [*cette puissance suprême] donne au gouvernement tout pouvoir pour procéder avec violence [gewalttätig] (tyranniquement).[6] »

Dans le cas de figure de la tyrannie d’État, le terme Gewalt manifesterait la conjonction de l’institution violente du pouvoir avec la violence institutionnelle du pouvoir institué. C’est précisément ce que Kant refuse d’avaliser. Car la justification de la violence provoquerait l’effondrement de l’édifice du droit, établi sur le fondement de la puissance du pouvoir d’État sans laquelle aucune justice n’est possible dans le monde. Il faut donc s’appuyer sur le principe du droit qui enjoint d’aller droit au but plutôt que d’emprunter les voies tortueuses ou sinueuses que la fraude (Arglist) ou la violence (Gewalt) tracent par avance pour détourner du droit chemin[7]. Car il n’est aucunement nécessaire d’accepter en principe la violence comme prix à payer pour le règne pacifique du droit et de la justice dans le monde. Encore faut-il expliquer comment cela est possible. C’est même pour Kant le problème politique par excellence : comment mettre fin à la violence sans commettre de violence ?

[1] Kant, Doctrine du droit (1796), § 44-49.
[2] Voir les § 9 (mit Macht begleiteten Gesetzgebung) et § 44 (durch hinreichende Macht) de la Doctrine du droit. C’est dans la réponse à Bouterwerk, publiée en appendice à la seconde édition (1797), qu’il est question par deux fois [B & conclusion] de la plenitudo potestatis pour qualifier le pouvoir suprême de l’État sur Terre (Machtvollkommenheit des weltlichen Staats) comme souverain.
[3] Voir le § 43 de la Doctrine du droit (1796).
[4] Dans la conclusion de Théorie et pratique (1793), Kant pense le droit international comme fondé sur « une loi publique accompagnée de puissance » (ein auf öffentliche mit Macht begleiteten Gesetze) à laquelle chaque État devrait se soumettre, par analogie avec le droit civil de l’État auquel sont soumis les individus.
[5] Voir, entre autres, la conclusion de la réponse à Bouterwerk.
[6] Voir le corollaire à la seconde partie de Théorie et pratique (Ak. VIII, 299 vs XI,156/fr.76).
[7] Voir la fin du premier appendice à la Paix perpétuelle (Ak. VIII, 378-379 vs XI,241-242/fr.120-121).

2.
Sortir en politique du cercle vicieux de la violence

Originairement, la souveraineté appartient de droit au peuple, conformément au schéma rousseauiste de la volonté générale élaborée dans le Contrat social. Mais cette idée théorique de la raison postule de manière contrefactuelle ce qu’il s’agit en pratique de produire : la société civile comme Tout de l’unité collective de la volonté unifiée en volonté commune. La variation kantienne sur le thème rousseauiste reconnaît le processus historique d’unification de la foule éparse en peuple et le rôle de la violence dans l’institution factuelle de l’état de droit à l’origine du droit public qui permet à la société civile de vivre en paix :

« dans la réalisation de cette idée (dans la pratique), il ne faut compter sur aucun autre commencement de l’état de droit que celui par la violence [durch Gewalt], sur la contrainte de laquelle le droit public est ensuite fondé »[1].

Il faut ici traduire Gewalt par violence, car la prise de pouvoir par la force constitue une violence au regard du droit naturel à la liberté, qui est de facto limité par une contrainte qui n’a pas être approuvée de jure. Le pouvoir de légiférer s’est imposé par la force et violence d’une sorte d’usurpation qui, de facto, ne peut que perdurer : Kant refuse le postulat idéaliste de la moralité d’un législateur qui laisserait la volonté générale du peuple élaborer une constitution de droit civil, car il n’y a aucune raison de penser que le souverain, une fois qu’il s’est saisi du pouvoir (die Gewalt in Händen), s’en dessaisira pour laisser le peuple lui imposer des lois. Conformément au double sens du terme Gewalt, le pouvoir d’État est institué par la violence et le chef d’État se maintient au pouvoir par la force potentiellement violente de sa puissance pour faire respecter le droit établi. Car le droit régnant dans l’état civil resterait une chimère sans la contrainte qui lui donne force de loi (rechtskrätig) dans la société civile. C’est un fait qu’il faut reconnaître en tant que tel, sans le transmuer en droit pour justifier le coup de force après-coup.

Le fait est que le droit naturel serait resté une idée chimérique sans l’institution du droit positif par la violence : la préposition durch exprime ici la cause efficiente. Il faut le préciser pour bien marquer la subtile et ténue différence entre durch Gewalt comme cause exclusive, que le français remarque en usant de l’article (par la violence), et mit Gewalt comme modalité sans exclusive, qui équivaut à l’adverbe violemment (gewaltsam) : procéder avec violence est une manière de faire ponctuelle qui n’exclut pas d’autres modes, comme la fraude ou la ruse par la parole. Or, c’est tout l’intérêt politique de cette fine distinction, le fait que le pouvoir se soit originellement imposé par la violence comme cause factuelle de la genèse du droit positif ne justifie pas de procéder dans l’état civil avec violence. Une fois l’état de droit institué par ce mécanisme naturel de la violence efficiente, il y a un devoir moral d’agir conformément à l’idée métaphysique du droit (rechtmäßig) en renonçant par principe à user tactiquement de la force naturelle de la violence pour s’imposer au niveau physique du rapport de force (pro vi et violentia) :

« S’enquérir du certificat de naissance de ce mécanisme est vain, puisqu’on ne peut en revenir au moment du commencement de la société civile (car les Sauvages n’ont pas érigé d’instrument de leur soumission à la loi, et il peut déjà être induit de la nature brute des êtres humains qu’ils ont dû commencer avec la violence). Mais il est répréhensible de mener cette enquête dans l’intention d’éventuellement modifier [abändern] avec violence [mit Gewalt] la constitution existant à présent. Car une telle modification [Umänderung] devrait arriver par le peuple, qui s’attroupe pour cela [sich dazu rottiert], et non pas donc par la législation ; or, dans une constitution déjà existante, l’émeute est un renversement [Umsturz] de tous les rapports civils de droit et de tout droit par-là même : ce n’est pas une transformation [Veränderung] de la constitution civile, mais sa dissolution [Auflösung] ; par suite, le passage à une meilleure constitution n’est pas une métamorphose, mais une palingénésie qui exige un nouveau contrat social sur lequel le précédent (à présent supprimé) n’a aucune influence.[2] »

La violence comme cause à l’origine de l’institution de l’état de droit ne peut justifier de procéder avec violence dans l’état civil, dans la mesure où la violence naturelle, toujours incivile, détruirait l’état de droit : l’état de droit est institué à l’origine par la violence (durch Gewalt) d’un pouvoir dont la force contraignante permet ensuite de fonder le droit public. Il faudrait, à présent qu’un droit est établi, le transformer par des réformes, et non pas le détruire violemment pour tout recommencer depuis le début : seul le souverain est habilité à transformer la constitution (défectueuse) de l’État par la voie de réforme (durch Reform) ; il n’est pas permis au peuple de le faire par une révolution (durch Revolution)[3]. Ce serait comme si Kant aspirait à refouler la violence à l’origine…

La violence n’a pas pour autant disparue de la surface de la Terre. La violence reste bien de tout temps une cause physiquement efficiente, à travers les guerres et les révolutions, mais la violence acquiert un nouveau statut à l’état civil : métaphysiquement, elle est devenue en même temps un moyen de procéder en contradiction avec le droit et l’état de droit. La violence reste la même, toujours aussi efficace, mais elle s’est en quelque sorte scindée en deux : la violence à l’origine du droit s’est transmuée en pouvoir d’État (Staatsgewalt) et cette puissance publique s’est retournée contre la violence naturelle en reste, désormais rebaptisée (Gewalttätigkeit) et, à ce titre, discréditée comme mauvaise et associée à tous les maux (Übel) qui sévissent sur Terre[4]. La violence est devenue un problème moral en politique. Mais la démarcation, critique, entre les deux types de violence prête le flanc à une objection des partisans de la révolution populaire qui récuse la distinction entre les deux chaînes de causalité, physique et métaphysique, pour confondre fait et droit : tout comme la violence fut autrefois la cause efficiente à l’origine du droit établi, elle reste bien à présent le moyen adéquat dont le peuple est en droit de se servir pour révolutionner une constitution d’État désuète. Pourquoi serait-il en effet interdit de révolutionner l’État avec violence (mit Gewalt), alors même que la fondation de l’état de droit a toujours commencé avec la violence (mit der Gewalt) ?

À cette objection d’après laquelle la terre entière serait encore dépourvue de lois sans leur fondation par la violence (comme cause), Kant répond catégoriquement que la fin de la justice ne peut en aucun cas justifier l’injustice d’user de violence comme moyen au sein de l’état civil : c’est la même chose dans les cas de l’éducation culturelle des peuples colonisés et de la transformation révolutionnaire d’une constitution dégénérée (mit Gewalt umformen) sous le prétexte invoqué par les « révolutionnaristes d’État » qu’il s’agirait d’user de violence une bonne fois pour toutes afin de faire régner la justice sur Terre. En somme, l’illusion de la dernière injustice ne peut aucunement justifier l’abolition prétendument exceptionnelle de la clause du droit » (Rechtsbedingung) qui est au fondement de l’idée même de justice. Dans la conclusion de la Doctrine du droit, Kant réitère sa critique du procédé révolutionnaire pour faire avancer les choses dans le bon sens :

« qu’y a-t-il de plus métaphysiquement sublime que cette idée qui […] à condition de n’être pas tentée et menée de manière révolutionnaire [revolutionsmäßig], par un saut, c’est-à-dire par le renversement violent [gewaltsam] d’une constitution défectueuse qui existait jusqu’à présent (car il se produirait entretemps un moment de destruction de l’état de droit), mais par réforme graduelle selon des principes fermes, peut seule conduire à un rapprochement continu au souverain bien politique, la paix perpétuelle.[5] »
Saut mortel dans la violence révolutionnaire

Le saut révolutionnaire hors de l’état de droit fait écho au salto mortale dans la violence que Kant évoque en 1793 pour fustiger l’aveuglement politique d’un Pouvoir (Gewalt) qui se croit capable de tenir en échec l’idée des droits de l’homme en procédant de manière purement tactique (ou politicienne) pour s’imposer de facto, par la force potentiellement violente du pouvoir donc, sans respecter le Droit comme principe : comme il n’est pas question de droit, mais uniquement de pouvoir-violence (Gewalt), le peuple peut également se jeter dans le vide, par désespoir, en essayant lui-même de s’imposer par la violence[6]. Estimer les êtres humains indignes d’être traités d’après le droit revient à les pousser mécaniquement à recourir à la violence pour faire cesser la violation de leurs droits et les agressions violentes qu’endurent les sujets. Les puissants au pouvoir sont donc responsables de la violence populaire qui se déchaîne tout naturellement contre le régime en réaction aux violences commises au nom de l’ordre établi : le déni du droit se retourne en fait contre l’état de droit, puisque seule compte la physique du rapport de force au détriment d’une métaphysique du droit discréditée comme idéal aussi vide qu’inapplicable. La responsabilité morale et politique de ce saut fatal du peuple dans la violence incombe donc bien au Pouvoir en place qui doit prévenir cette réaction humainement compréhensible en menant une profonde réforme de l’État pour le conformer aux principes rationnels du droit naturel.

Historiquement parlant, ce n’est pas la Révolution française qui déclenche la violence, mais le refus de la monarchie de réformer l’État en appliquant les principes du droit naturel et, l’aggravant à l’extérieur, la réaction des puissances étrangères qui s’immiscent violemment (gewalttätig) dans les affaires intérieures de la France en lui faisant la guerre pour mettre fin au scandale du mauvais exemple qui serait donné[7] aux autres États : selon Kant, le ius gentium interdit bien de soutenir la contre-révolution dans un autre État pour renverser avec violence (mit Gewalt) la constitution mise en place par une révolution et restaurer ainsi l’ancienne constitution, de façon à ne pas laisser impuni le crime scandaleusement commis par le peuple ayant déposé le chef d’État[8]. Kant récuse en ce sens les objections contre-révolutionnaires contre les réformes (républicaines) de l’État français : le clergé catholique a tort de se plaindre des « impies de la République française » qui se seraient emparés des biens ecclésiastiques avec violence (mit Gewalt), puisque l’État a les pleins pouvoirs (Machtvollkommenheit) pour revenir sur la concession temporaire de ces biens et modifier dans le sens du républicanisme l’institution, tout aussi provisoire, des ordres privilégiés du clergé et de la noblesse[9].

Kant ne dénie pas le fait indiscutable des épouvantables maux et horreurs (schreckliche Übel und Greuel) liés à la crise bouleversant l’État français à la suite de la révolution violente (gewaltsame) qui s’est produite[10]. Mais, après avoir loué ceux qui mettent en ordre les affaires en France et fustigé l’ennemi du genre humain, Pitt, dont l’or finance la guerre contre la république française, Kant attribue la responsabilité des horreurs perpétrées aux souverains qui veulent la guerre, sans explicitement condamner les violences commises en France pendant la Révolution :

« toute cette culture (technique, pragmatique et morale) ne peut pourtant prévenir la guerre, le pire des maux [das größte Übel] que peut rencontrer le genre humain, et toute cette culture ne peut ainsi empêcher que même la progression en mieux de type physique n’ait à supporter (de temps en temps) des entraves, des bouleversements même et des rechutes dans la misère ou l’ensauvagement : En conséquence de quoi, ce renversement entraînant avec lui la moralité, une telle perte n’est regrettée qu’avec des larmes hypocrites ou, au contraire, le déclin de l’État est imputé au déclin de la moralité (par des sermons au peuple), alors même qu’il tombe clairement sous le sens que ces horreurs ne procèdent pas de bas en haut, mais descendent plutôt de haut en bas, et qu’elles sont provoquées par la manie belliqueuse des souverains, et non par l’insoumission du sujet [Widerspenstigkeit des Unterthans].
– Néanmoins, se défendre contre celle-ci et ses excès [Anmaßungen] n’est possible que par une meilleure constitution accordée avec le droit naturel à l’intérieur (même) de l’État : car, aussi basse que l’on puisse (comme le politicien en a l’habitude) estimer l’influence de la disposition morale dans l’être humain, pourtant son exigence de respect pour son droit inné est si puissant et invincible qu’il ne manquera pas à la première occasion pour lui favorable de tenter la violence contre la violence [bei günstigen Gelegenheit Gewalt gegen Gewalt zu versuchen], alors même qu’il préférerait, sinon, être de bonne volonté à suivre docilement la loi civile extérieure (mais pas complètement arbitraire). Cette insoumission [Widerspenstigkeit] provient elle-même de la disposition morale en l’être humain ; mais, au lieu de promouvoir le progrès en mieux de type moral, elle engendre habituellement le recul en pire (parce qu’elle a juste été suscitée par une occasion l’ayant impulsée).[11] »

Au discours réactionnaire qui prend prétexte des guerres et des révolutions pour contredire le discours progressiste d’une évolution historique continue, Kant oppose une mise au point en deux temps. Tout d’abord, l’horreur de la guerre est imputable à l’obsession guerrière des souverains, et non à un déclin de la moralité qui entraînerait le déclin de l’État en provoquant l’appétit de résister (Widerspenstigkeit) des sujets. Bien au contraire, la propension à résister est même enracinée dans la disposition morale de l’être humain qui n’a recours à la violence que pour imposer le respect de son droit inné à la liberté par l’institution d’une meilleure Constitution d’État : Kant comprend ainsi la voie révolutionnaire comme l’occasion d’affirmer les droits de l’homme que bafouent les souverains. L’usage de la violence révolutionnaire apparaît donc comme une réponse moralement compréhensible à la violence de l’oppression subie par des sujets qui sont soumis à la manie guerrière de leurs souverains et à l’arbitraire de leurs lois.

S’avançant ainsi bien plus loin qu’en 1793, Kant ne se contente pas de reconnaître que le salto mortale dans la violence a pour origine la violation du droit du peuple par le souverain. L’emprunt révolutionnaire de la voie violente par des sujets insoumis, qui se défendent contre la violation de leurs droits d’êtres humains, est désormais présenté comme l’effet naturel de leur disposition morale. Il s’agirait donc d’une réaction indissociablement naturelle et morale. Car la réaction naturelle à la violation des droits, qui oppose la violence à la violence, est en même temps une réaction de facture morale en tant même qu’elle est l’effet de la conscience morale du droit naturel. Tout en désapprouvant pragmatiquement la réaction révolutionnaire, en raison du fait qu’elle provoque en règle générale le retour en arrière vers le pire au lieu de soutenir le progrès en mieux, Kant est au plus près de la légitimation morale du procédé révolutionnaire qui, pourtant, est en droit injustifiable. Comment sortir de cette impasse théorique et légitimer la Révolution sans en justifier les violences ?

Contenir la violence :
saisir l’occasion révolutionnaire sans la provoquer

Dans le premier appendice à la Paix perpétuelle de 1795, Kant soutient à nouveau que la politique immorale du pouvoir, qui dénie le droit et use de violence, pousse tout naturellement le peuple à faire usage de la violence contre les détenteurs du pouvoir. Contrer ce mécanisme naturel requiert, pour le souverain au pouvoir, de mener une politique morale en entreprenant les réformes nécessaires, au bon moment. Car la sagesse qu’il y a à suivre le devoir impératif de réformer implique de prendre prudemment en compte les conditions favorables à une application dans le temps des principes intemporels du droit : il faut conjoindre sagesse et prudence de façon à réussir pragmatiquement la réformation entreprise par le souverain, sans se précipiter, ni temporiser non plus de manière attentiste. Entre conservation et révolution, la réforme du droit est la seule voie pour sortir du cercle vicieux des violences qui se répondent sans fin et sans cesse les unes aux autres.

Sagesse et prudence politiques invitent les puissants à comprendre que le souverain au pouvoir n’a pas tous les droits, mais doit respecter le Droit. Kant emploie le terme inaccoutumé de dieu-limite (Grenzgott) pour affirmer que même Jupiter, le plus puissant des dieux, n’est pas un dieu tout-puissant qui aurait tous les droits. Dieu protecteur des frontières entre les domaines, Jupiter (Grenzgott der Gewalt) doit en quelque sorte protéger le pouvoir contre la tentation de la violence en cédant devant l’impératif métaphysique de la morale (Grenzgott der Moral) : le dieu-limite de la morale, qui marque les bornes à ne pas dépasser, « ne cède pas » devant Jupiter, ce dieu-limite du pouvoir[12] tenté par la violence. Ce n’est pas seulement que la morale ne doit pas céder devant la violence du pouvoir et qu’il lui faut tracer la ligne rouge à ne pas franchir par le Pouvoir qui cherche toujours à repousser les limites pour s’imposer par la force et violence. Car, selon Kant, la métaphysique de la morale ne cède pas devant la physique du pouvoir, dans la mesure où le pouvoir est de facto soumis au destin : il est en effet impossible de prévoir avec certitude la réussite des entreprises politiques selon le « mécanisme de la nature » ; en revanche, c’est de manière catégorique que la raison peut prescrire avec sagesse le devoir de réformer.

La sagesse du pouvoir éclairé par la raison, c’est de conformer ses principes de prudence à l’exigence morale de réformer, à temps, les travers d’une constitution, bien qu’il soit prudent de retarder, s’il le faut, l’application des maximes du droit jusqu’à une meilleure occasion dans le temps (bessere Zeitgelegenheit). C’est le principe même du politicien moral qui a le devoir « dès que possible » de remédier aux carences de la constitution de l’État, ou des relations entre États, en les rendant conformes au droit naturel dont la raison lui donne l’idée[13]. Kant définit a contrario les conditions de cette possibilité pour concéder pragmatiquement la légitimité qu’il y a à ne pas imposer tout de suite et brutalement une telle modification, pourtant nécessaire à long terme. Car il serait contraire à la prudence politique tout autant qu’immoral de rompre les liens constitutifs de l’association étatique ou cosmopolitique tant qu’une meilleure constitution n’est pas prête à prendre le relais : « ce serait absurde d’exiger que cette carence doive être réparée immédiatement et avec turbulence [mit Ungestüm] ». Ce cas de figure d’une réforme précipitée par l’autorité produirait en effet un trouble de l’ordre public qu’il s’agirait d’éviter, si possible, en attendant le bon moment pour républicaniser une constitution despotique :

« Un État peut également se gouverner déjà de manière républicaine bien qu’il possède encore, d’après la Constitution en place, une souveraineté despotique : jusqu’à ce que le peuple devienne graduellement capable d’être influencé par la seule idée de l’autorité de la loi (comme si elle possédait un pouvoir [Gewalt] physique) et soit par suite reconnu capable de se donner sa propre législation (qui est fondée originairement sur le droit). Mais si, par la turbulence d’une révolution provoquée par une mauvaise constitution, une constitution plus conforme à la loi était imposée d’une manière non conforme au droit, malgré cela il ne faudrait plus alors considérer comme permis de retourner en arrière en ramenant le peuple à l’ancienne : pendant la révolution, néanmoins, chacun qui s’en mêle violemment ou sournoisement [gewalttätig oder arglistig] serait à bon droit puni comme émeutier. »

Kant fait de manière transparente référence à l’exemple français de ce « peuple puissant et éclairé », qui s’est constitué en République[14] par le moyen d’une révolution turbulente, pour interdire en droit une restauration contre-révolutionnaire de l’ancienne et mauvaise constitution. Car l’institution révolutionnaire d’une constitution n’autorise en aucun cas à ses yeux à la renverser, alors même que la révolution est un procédé trouble qui renverse brutalement une mauvaise constitution d’une manière qui n’est pas conforme au droit (unrechtmäßigerweise) pour la remplacer par une constitution plus conforme à l’idée du droit. De surcroît, Kant limite le droit à réprimer non seulement à la durée de la révolution, mais encore au cas de figure d’un émeutier qui se mêle à la foule (sich damit bemengt) révolutionnaire dans le dessein de commettre des perfidies sournoises (arglistig) ou des violences criminelles (gewalttätig). Il y a plusieurs indices sémantiques à interpréter ici : aggravant l’habituelle opposition entre ruse et force[15], Kant lui substitue celle plus restreinte entre fraude (perfide) et violence (criminelle), tout en évitant d’employer l’adverbe violemment (gewaltsam) et l’expression avec violence (mit Gewalt) ; au lieu d’écrire ici que la révolution est violente, Kant se contente d’évoquer sa turbulence impétueuse et brutale (durch den Ungestüm), faisant de cet événement politique un phénomène aussi naturel que la tempête. Kant s’abstient ainsi d’une condamnation explicite du révolutionnaire en tant que tel et même de la violence révolutionnaire, tout en atténuant son jugement apparemment catégorique contre le rebelle, qui se mêle à la foule (de l’extérieur), à la condition expresse qu’il ait de mauvaises intentions.

Kant semble s’être inspiré du schéma rousseauiste pour résoudre le problème que lui pose l’événement historique d’une révolution tout à fait légitime, mais impossible à justifier en droit en tant que césure révolutionnaire au sein du droit positif. Car la préférence axiologique pour un régime de liberté républicaine qui amène Kant à s’enthousiasmer pour la Révolution française, et même à se réjouir d’une rébellion (en Irlande)[16], n’équivaut pas à un fondement juridique. C’est un fait qui a une forme de légitimité historico-politique sans pouvoir pour autant être fondé en droit de manière juridico-politique. Si donc la révolution est de tout temps injuste en droit pour Kant, en fait il n’y a aucune injustice envers le souverain injuste à détruire le droit injuste par la violence d’une rébellion : ce qui est en fait n’est pas en droit. C’est une forme de légitimité d’un autre type, car l’argument de droit et la description des faits n’interviennent pas sur le même plan. Au niveau politique, il faut distinguer entre le jugement normatif, qui condamne moralement la décision politique de faire une révolution, de tout temps injuste en droit, et l’énoncé descriptif, qui constate l’efficacité naturelle ou mécanique des révolutions au regard du souverain bien politique. Le problème de la sagesse politique se résout en quelque sorte de lui-même et mène directement au but qu’est la paix perpétuelle, à la condition du moins de se souvenir du précepte pragmatique de s’approcher sans cesse de ce but en fonction des circonstances favorables sans chercher à l’atteindre de manière précipitée par la violence

L’histoire humaine étant destinée à atteindre le souverain bien politique de la paix perpétuelle en réalisant au préalable la républicanisation des États, il n’est donc pas nécessaire de précipiter l’évolution qui s’accomplira de toute façon, d’une manière ou d’une autre. Ce n’est pas non plus souhaitable compte tenu des effets désastreux des réformes précipitées ou des révolutions turbulentes. Le jugement réfléchissant sur le cours de l’histoire conforte ainsi l’impératif catégorique, qui prohibe en droit la voie de la révolution violente, pour interdire d’accélérer l’histoire en déclenchant artificiellement une révolution dont les conséquences catastrophiques sont prévisibles compte tenu de l’état de l’opinion publique. Ce qui n’interdit pas, en revanche, de pragmatiquement saisir l’opportunité d’une révolution qui, en réaction au despotisme monarchique, serait naturellement née de l’aspiration d’un peuple éclairé à la liberté : les révolutions sont un « appel de la nature » à réformer profondément et durablement la constitution[17] ou encore une occasion favorable qu’il faut savoir saisir[18] sans chercher non plus à la provoquer.

Comme l’indique la référence à Erhard dans le Conflit des Facultés (1797), Kant semble avoir accepté sa distinction entre une révolution spontanée, qui s’est tout naturellement déclenchée, et une révolution forcée par une insurrection antagoniste, qui a été artificiellement provoquée par des activistes sans principe[19]. Cette différence entre les révolutionnaires qui saisissent une occasion historique sans l’avoir au préalable provoquée pour précipiter le cours de l’histoire, et les révolutionnaristes, qui s’entendent à provoquer artificiellement le processus révolutionnaire (ce sont les futurs révolutionnaires professionnels), pourrait bien avoir été opérée par Kant à travers la distinction sémantique entre les révolutionnistes de l’État (Staatsrevolutionisten) et les révolutionnants enthousiastes (Revolutionierenden)[20].

Diminution à venir de la violence

La nature humaine étant défaillante, il serait vain d’espérer que l’État se réforme lui-même de temps à autre et que l’évolution se produise ainsi sans révolution[21], ni guerre ! L’horizon d’un tournant en mieux de l’histoire du genre humain[22] se laisse plutôt deviner à partir de la finalité providentielle qui guide le processus naturel des guerres et des révolutions. Pour faire avancer le règne du droit à l’intérieur de l’État comme entre les États, il vaut donc mieux compter sur la providence divine, qui oriente l’histoire du genre humain vers la paix perpétuelle, que sur la bonne volonté des puissants détenteurs du pouvoir, ou même sur leur intérêt bien compris grâce à la propagation des Lumières. Reste que la perspective que le tournant en mieux laisse entrevoir à la raison prend l’aspect d’une diminution de la violence de la part des gens puissants :

« Graduellement, il y aura moins de violence de la part des puissants et plus d’observation des lois. Au sein de la communauté publique, il en ressortira plus de bienfaisance, moins de querelle en procès, plus de fiabilité dans les promesses, etc., en partie par sens de l’honneur et en partie par le fait d’un intérêt propre bien compris. Et ceci s’étendra finalement aussi aux peuples dans leurs relations extérieures entre eux jusqu’à la société cosmopolitique »[23].


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Notes

[1] Voir le début du premier appendice à la Paix perpétuelle : Ak. VIII, 371.
[2] Voir le début du § 52 de la Doctrine du droit : Ak. VI, 339-340 (sie werden es mit der Gewalt angefangen haben). Kant met ici l’article devant la préposition mit pour formuler cette hypothèse entre parenthèses que, dans l’état de nature, les sauvages sans culture font immédiatement appel à la violence pour s’imposer contre les autres, comme si la violence était le milieu dans lequel l’homme naturel vivait et la cause naturelle de tout ce qui s’ensuit : Au commencement serait la violence ! Dans la suite du passage, il est question de modifier avec violence (mit Gewalt) la constitution : c’est par le peuple (durch das Volk) comme agent ou cause efficiente de l’émeute que la constitution de l’État est renversée.
[3] Voir la remarque A de la Doctrine du droit : VI, 321.
[4] Voir le § 62 de la Doctrine du droit : Ak. VI, 353.
[5] Voir la conclusion de la Doctrine du droit : Ak. VI, 355.
[6] Voir la conclusion de la seconde section de Théorie et pratique : Ak. VIII, 306 (Verzweifelungssprung).
[7] Voir le cinquième article provisoire de la Paix perpétuelle : Ak. VIII, 346.
[8] Voir la fin de la remarque A de la Doctrine du droit : Ak. VI, 323. Sur cette remarque et sur la question du régicide analysée dans une longue note par Kant (Ak. VI, 321-323), je me permets de renvoyer à l’interprétation que j’en donne dans La politique de Kant – un réformisme révolutionnaire (2016), p. 313-321.
[9] Voir les sections B & C du point 8 de la réponse de Kant à Bouterwek, respectivement sur le clergé et la noblesse : Ak. VI, 368-370. Cet ajout précise ce que Kant avait indiqué à la fin de la Remarque C qui circonscrit les droits respectifs de l’État et de l’Église tout en rappelant, dans la lignée de l’opuscule de 1784, le droit du peuple à réformer (reformieren) l’institution religieuse : Ak. VI, 327.
[10] Voir la réflexion n° 8077 sur la philosophie du droit [ω3-5 =1795-99] : Ak. XIX, 604. Trad. fr. par mes soins de cette seconde partie de l’essai sur le progrès dans Le Conflit des Facultés et autres textes sur la révolution (2015), p. 285.
[11] Ibid., Ak. XIX, 611. Trad. fr. de la fin de cette réflexion, p. 291-292.
[12] Voir le début du premier appendice à la Paix perpétuelle (Ak. VIII, 370) : « Der Grenzgott der Moral weicht nicht dem Jupiter (dem Grenzgott der Gewalt) ».
[13] Ibid., Ak. VIII, 372.
[14] Voir le second article définitif de la Paix perpétuelle : Ak. VIII, 356.
[15] Revoir la fin du § 42 de la Doctrine du droit : Ak. VI, 307-308 (Macht oder List).

[16] Johann Friedrich Abegg, Reisetagebuch von 1798, Insel Verlag, 1976, S.248. Trad. fr. dans Le Conflit des Facultés et autres textes sur la révolution (2015), p. 322.

[17] Voir la note cruciale du premier appendice à la Paix perpétuelle : Ak. VIII, 373.
[18] Voir le point 7 de la seconde section du Conflit des Facultés : Ak. VII, 88 ; trad. fr. par mes soins (2015), p. 127.
[19] Ibid., Ak. VII, 87 ; trad. fr. p. 126. Cf. Johann Benjamin Erhard, Über das Recht des Volks zu einer Revolution (1795), trad. fr. dans Du droit du peuple à faire une révolution et autres écrits, L’Âge d’Homme, Lausanne, 1993 : « Tous les artifices pour produire dans les esprits une atmosphère de haine contre le gouvernement par une misère artificielle et une persuasion trompeuse sont reprouvés par la morale, car rien de bon ne peut en ressortir, mais uniquement une insurrection antagoniste qui, après s’être déchaînée, redonne au despotisme toute sa violence. […] Celui qui entreprend par conséquent une révolution politiquement impossible sans occasion particulière agit injustement, et comme personne ne peut en général être certain qu’une révolution réussira, tout homme agit injustement qui veut provoquer intentionnellement une révolution et agit uniquement pour provoquer une révolution » (p. 109-110).
[20] Voir le point 6 de la seconde section du Conflit des Facultés : Ak. VII, 86 ; trad. fr. p. 125.
[21] Voir le point 10 de la seconde section du Conflit des Facultés : Ak. VII, 93 ; trad. fr. p. 131.
[22] Voir la conclusion de la seconde section du Conflit des Facultés : Ak. VII, 94 ; trad. fr. p. 132.
[23] Voir le point 9 de la seconde section du Conflit des Facultés : Ak. VII, 91-92 ; trad. fr. p. 130.