Théorie critique

Kant précurseur

Comme son nom l’indique, la théorie critique s’inscrit ouvertement dans le sillage de Kant, dont Horkheimer se réclame tout aussi clairement que Habermas. Reste que la pensée critique de Kant n’arrête pas plus de s’élaborer avec la Critique de la faculté de juger (1790) qu’elle ne commence avec la Critique de la raison pure (1781). Censuré dans sa première mouture en 1793, le Conflit des Facultés (1797) peut être considéré comme un testament politique, dans lequel Kant formule une sorte de théorie critique de la société avant la lettre.

C’est, du moins, l’hypothèse interprétative que la postface à ma traduction de cet ouvrage soutient. En effet, l’introduction propose une théorie critique du conflit politique (p.325-328) en esquissant “un modèle de théorie critique de l’idéologie” (p.329-342). Pour sa part, la première section sur le conflit théologico-politique élabore “une théorie critique des messianismes” (p.349-372), laquelle complète la théorie critique de la religion cultuelle, reposant sur une foi d’église, que Kant avait rendue publique dans la Religion dans les limites de la simple raison (1793). Si la troisième section sur le conflit médical avance une théorie critique de la santé corporelle, qui défend le principe d’une médecine préventive contre la doctrine curative de la Faculté de médecine (p.344-347), la seconde section sur le conflit juridico-politique ébauche une théorie critique de l’action politique, partagée entre réforme et révolution (p.373-386), qui ouvre même à une théorie critique de l’histoire (p.387-388).

Cf. C. Ferrié, « Le testament politique de Kant », postface à Le Conflit des Facultés et autres textes sur la révolution (2015).