Aimer l’altérité?

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A. Canova, Psyché ranimée par le baiser de l’Amour (1787 – 1793)

plan du cours
consacré à aimer

2021-2022

… il y a cet enlacement amoureux de l’âme par l’amour ailé, d’une grâce divine qui emporte le souffle; l’emprise sans emprise du sein par la main, qui retient à peine; le cercle des bras qui embrassent le corps sans l’embraser; cette étreinte des corps en accord entre ciel et terre…

… il y a cette autre scène qui parachève Les raisons de la colère (1939). Dans une atmosphère diluvienne, une jeune femme avait accouché d’un bébé mort-né. Dans une grange, elle voit un père mourir de faim pour avoir laissé son fils manger. La jeune femme donne le sein à l’étranger par un don sans sacrifice qui donne sa chance à la vie, elle lui caresse tendrement les cheveux, comme Psyché pose ses mains sur la chevelure d’Éros, et elle sourit à l’occasion d’aimer qui s’offre à elle mystérieusement…

... Elle distingua deux formes dans la pénombre, celle d’un homme couché sur le dos et celle d’un jeune garçon assis près de lui et qui regardait les arrivants avec de grands yeux effarés.
elle se tourna vers Rose de Saron, pelotonnée dans son châle. Ses yeux l’effleurèrent, la dépassèrent, puis revinrent se poser sur les yeux de sa fille. Et les deux femmes se regardèrent dans les yeux. La respiration de la jeune femme était courte et saccadée.
Dans la grange pleine de chuchotements et de murmures, Rose de Saron resta un instant immobile. Puis elle se remit péniblement debout, serrant le châle autour de ses épaules. Lentement, elle gagna le coin de la grange et se tint plantée devant l’étranger, considérant la face ravagée, les grands yeux angoissés. Et lentement elle s’étendit près de lui. Il secoua faiblement la tête. Rose de Saron écarta un coin du châle, découvrant un sein.
Sa main glissa derrière la tête et la soutint. Ses doigts caressaient doucement les cheveux de l’homme. Elle leva les yeux, puis les baissa et regarda autour d’elle, dans l’ombre de la grange. Alors ses lèvres se rejoignirent dans un mystérieux sourire.

Il faut tout d’abord définir les sens d’aimer pour pouvoir parler d’amour ou d’amitié en pensant aux multiples modalités nuancées de l’acte d’aimer et aux différents objets aimables à aimer : aimer l’autre ou s’aimer soi-même, s’aimer amoureusement, s’aimer en amis ou en camarades, aimer charitablement son prochain ou ses proches, aimer les familiers bien connus ou aimer les étranges étrangers, aimer la personnalité d’un être humain et peut-être l’affectivité singulière d’un être vivant, admirer les qualités personnelles d’un individu, estimer ses actes ou ses performances, apprécier quelqu’un ou quelque chose, adorer un dieu, admirer la grâce d’une danse ou la gestuelle d’un corps en transe, aimer l’art ou la culture, aimer sa propre culture ou une culture étrangère, aimer (ou haïr) en politique; en somme, aimer vivre, aimer la vie ou sa propre vie en adhérant à l’amor fati de Nietzsche ou à l’amor mundi d’Arendt… Ne s’agit-il pas toujours d’aimer l’altérité de l’autre en soi et en dehors de soi? 

N’y aurait-il pas néanmoins une cécité sentimentale à réduire le fait d’aimer à l’affection ressentie? Aimer n’implique-t-il pas des actes qui manifestent et même prouvent l’affection éprouvée? En fin de compte, les sens différents, voire divergents, d’aimer se rassemblent-ils dans l’essence même et une d’un sentiment en acte ou d’une activité ressentie? 

Le prélude sur les sens d’aimer (p.2) pose ce problème sous la figure d’une antinomie:

Aimer signifierait-il ressentir ou agir?
Est-ce éprouver de l’affection pour l’autre
ou donner quelque chose de soi-même?

Ce cours donnera lieu à un ouvrage, intitulé Essai sur le don daimer, dont l'introduction reprendra fort logiquement la conclusion du cours... sur le don d’aimer! Entre-temps, je recommande - en plus de cette conclusion - le moment critique (Kant), le moment diabolique (Kierkegaard), le moment fatidique (Freud) et le moment véridique (Aristote) en contrepoint du moment unique en son genre (Arendt)...

Plan du cours

Prélude (p.2) : Les sens d’aimer
I. Séquence initiale et principale (p.3) : savoir bien aimer

1. L’art de bien aimer (Platon) : aimer au sens de prendre soin (p.3)

        1. Le Banquet [transcription inachevée du cours]
        2. Phèdre [cours non retranscrit]

1b. digression sur l’art d’aimer
chez les Grecs (Foucault) et selon Ovide (p.18)

2. La grâce d’aimer (Jean, Augustin, Pascal) : aimer au sens chrétien de donner (p.4)

3. Le devoir d’aimer : de Kant à Kierkegaard en passant par Hegel

3.1 Kant: de l’amour pratique ou moral à la philanthropie (p.5)

3.2 Hegel : de l’amour romantique au mariage – du devoir éthique de se marier (p.6)

3.3 Kierkegaard : Mystère et épreuve d’aimer – Aimer comme acte de foi (p.7)

II. Séquence finale et cruciale (p.8) : pouvoir aimer (bien)

1. Désir d’aimer : aimer pour pouvoir aimer et aimer désirer

1.1 Spinoza : aimer vivre (p.8) comme pouvoir (potestas) à cultiver raisonnablement [non retranscrit]

1.2 Schopenhauer : aimer instinctivement comme nécessité du vouloir-vivre à subir (p.9) [non retranscrit]

1.3 Nietzsche : aimer le destin (amor fati) comme force de la volonté de puissance (p.10) [conférence de Ph. Choulet]

1.4 Freud : aimer comme destin pulsionnel de la libido (p.11

      1.  2. Passion d’aimer : l’aventure d’aimer dans tous les sens

2.1 l’errance d’aimer: Sartre ou l’Amour conflictuel en échec (p.12)

2.2 Arendt : de l’Amour comme événement à l’Amor Mundi (p.13)

2. le destin d’aimer son sort: Bourdieu ou le moment sociologique de l’amor fati (p.14) [esquisse]

3. Raisons d’aimer dans tous les sens du terme

3.1 Montaigne ou l’amitié véritable au-dessus de toutes les autres modalités d’aimer (p.15) [esquisse]

3.2 Aristote ou la juste mesure d’aimer dans tous les sens du terme (p.16)

III. Séance conclusive